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— On ne peut mieux, répondit Wemmick, car j’ai eu toute la journée les jambes sous mon bureau, et je serai bien aise de les allonger. Je vais maintenant vous dire ce que j’ai pour souper, M. Pip : j’ai du bœuf bouilli préparé à la maison, une volaille froide rôtie, venue de chez le rôtisseur ; je la crois tendre, parce que le rôtisseur a été juré dans une de nos causes l’autre jour ; or, nous lui avons rendu la besogne facile ; je lui ai rappelé cette circonstance en lui achetant la volaille, et je lui ai dit : « Choisissez-en une bonne, mon vieux brave, parce que si nous avions voulu vous clouer à votre banc pour un jour ou deux de plus, nous l’aurions pu facilement. » À cela il me répondit : « Laissez-moi vous offrir la meilleure volaille de la boutique. » Je le laissai faire, bien entendu. Jusqu’à un certain point, ça peut se prendre et se porter. Vous ne voyez pas d’objection, je suppose, à ce que j’aie à dîner un vieux ?… »

Je croyais réellement qu’il parlait encore de la volaille, jusqu’à ce qu’il ajoutât :

« Parce que j’ai chez moi un vieillard qui est mon père. »

Je lui dis alors ce que la politesse réclamait.

« Ainsi donc, vous n’avez pas encore dîné avec M. Jaggers ? continua-t-il tout en marchant.

— Pas encore.

— Il me l’a dit cet après-midi, en apprenant que vous veniez. Je pense que vous recevrez demain une invitation qu’il doit vous envoyer, il va aussi inviter vos camarades ; ils sont trois, n’est-ce pas ? »

Bien que je n’eusse pas l’habitude de compter Drummle parmi mes amis intimes, je répondis :

« Oui.

— Oui, il va inviter toute la bande… »

J’eus peine à prendre ce mot pour un compliment.