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autre petit juif qu’il envoya faire une commission. En l’absence du messager, je remarquai que ce juif, qui sans doute était d’un tempérament nerveux, se livrait à une gigue d’impatience sous un réverbère, tout en répétant avec une sorte de frénésie ces mots :

« Oh ! Zazzerz !… Zazzerz !… Zazzerz ?… Tous les autres ne valent pas le diable ! C’est Zazzerz qu’il me faut. »

Ces témoignages de la popularité de mon tuteur me firent une profonde impression, et j’admirai, en m’étonnant plus que jamais.

À la fin, en regardant à travers la grille de fer du clos Bartholomé, dans la Petite Bretagne, je vis M. Jaggers qui traversait la rue et venait de mon côté. Tous ceux qui l’attendaient le virent en même temps que moi. Ce fut un véritable assaut. M. Jaggers mit une main sur mon épaule, m’entraîna et me fit marcher à ses côtés sans me dire une seule parole, puis il s’adressa à ceux qui le suivaient.

Il commença par les deux hommes mystérieux :

« Je n’ai rien à vous dire, fit M. Jaggers en leur montrant son index ; je n’en veux pas savoir davantage : quant au résultat, c’est une flouerie, je vous ai toujours dit que c’était une flouerie !… Avez-vous payé Wemmick ?

— Nous nous sommes procuré l’argent ce matin, monsieur, dit un des deux hommes d’un ton soumis, tandis que l’autre interrogeait la physionomie de M. Jaggers.

— Je ne vous demande ni quand ni comment vous vous l’êtes procuré… Wemmick l’a-t-il ?

— Oui, monsieur, répondirent les deux hommes en même temps.

— Très-bien ! Alors, vous pouvez vous en aller, je