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plir une position plus élevée. Il était si loin de comprendre mes intentions, que je songeai à en faire part de préférence à Biddy.

En conséquence, quand nous fûmes rentrés à la maison, et que nous eûmes pris notre thé, j’attirai Biddy dans notre petit jardin qui longe la ruelle, et après avoir stimulé ses esprits, en lui insinuant d’une manière générale que je ne l’oublierais jamais, je lui dis que j’avais une faveur à lui demander.

« Et cette faveur, Biddy, dis-je, c’est que tu ne laisseras jamais échapper l’occasion de pousser Joe un tant soit peu.

— Le pousser, comment et à quoi ? demanda Biddy en ouvrant de grands yeux.

— Joe est un brave et digne garçon ; je pense même que c’est le plus brave et le plus digne garçon qui ait jamais vécu ; mais il est un peu en retard dans certaines choses ; par exemple, Biddy, dans son instruction et dans ses manières. »

Bien que j’eusse regardé Biddy en parlant, et bien qu’elle ouvrît des yeux énormes quand j’eus parlé, elle ne me regarda pas.

« Oh ! ses manières ! est-ce que ses manières ne sont pas convenables ? demanda Biddy en cueillant une feuille de cassis.

— Ma chère Biddy, elles conviennent parfaitement ici…

— Oh ! elles sont très-bien ici, interrompit Biddy en regardant avec attention la feuille qu’elle tenait à la main.

— Écoute-moi jusqu’au bout : si je devais faire arriver Joe à une position plus élevée, comme j’espère bien le faire, lorsque je serai parvenu moi-même, on n’aurait pas pour lui les égards qu’il mérite.