Page:Dickens - Les Grandes Espérances, Hachette, 1896, tome 1.djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’est pas cela. Vous êtes trop jeune pour que je me contente de cette réponse : recommandation n’est pas le mot, monsieur Pip ; trouvez-en un autre. »

Me reprenant, je lui dis alors que je lui étais fort obligé de m’avoir indiqué M. Mathieu Pocket.

« C’est mieux ainsi ! » s’écria M. Jaggers.

Et j’ajoutai :

« Je serais bien aise d’essayer de M. Mathieu Pocket.

— Bien ! Vous ferez mieux de l’essayer chez lui. On le préviendra. Vous pourrez d’abord voir son fils qui est à Londres. Quand viendrez-vous à Londres ? »

Je répondis en jetant un coup d’œil du côté de Joe, qui restait immobile et silencieux :

« Je suis prêt à m’y rendre de suite.

— D’abord, dit M. Jaggers, il vous faut des habits neufs, au lieu de ces vêtements de travail. Disons donc d’aujourd’hui en huit jours… Vous avez besoin d’un peu d’argent… faut-il vous laisser une vingtaine de guinées ? »

Il tira de sa poche une longue bourse, compta avec un grand calme vingt guinées, qu’il mit sur la table et les poussa devant moi. C’était la première fois qu’il retirait sa jambe de dessus la chaise. Il se rassit les jambes écartées, et se mit à balancer sa longue bourse en lorgnant Joe de côté.

« Eh bien ! Joseph Gargery, vous paraissez confondu ?

— Je le suis, dit Joe d’un ton très-décidé.

— Il a été convenu que vous ne demanderiez rien pour vous, souvenez-vous-en.

— Ça a été convenu, répondit Joe, c’est bien entendu et ça ne changera pas, et je ne vous demanderai jamais rien de semblable.

— Mais, dit M. Jaggers en balançant sa bourse, si