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Le pire de tout, c’est que cette vieille brute de Pumblechook, attiré par une dévorante curiosité de savoir tout ce que j’avais vu et entendu, arriva au grand trot de sa jument, au moment de prendre le thé, pour tâcher de se faire donner toutes sortes de détails ; et la simple vue de cet imbécile, avec ses yeux de poisson, sa bouche ouverte, ses cheveux d’un blond ardent, dressés par une attente curieuse, et son gilet, soulevé par sa respiration mathématique, ne firent que renforcer mes réticences.

« Eh bien ! mon garçon, commença l’oncle Pumblechook, dès qu’il fut assis près du feu, dans le fauteuil d’honneur, comment t’en es-tu tiré là-bas.

— Assez bien, monsieur, » répondis-je.

Ma sœur me montra son poing crispé.

« Assez bien ? répéta Pumblechook ; assez bien n’est pas une réponse. Dis-nous ce que tu entends par assez bien, mon garçon. »

Peut-être le blanc de chaux endurcit-il le cerveau jusqu’à l’obstination : ce qu’il y a de certain, c’est qu’avec le blanc de chaux du mur qui était resté sur mon front, mon obstination s’était durcie à l’égal du diamant. Je réfléchis un instant, puis je répondis, comme frappé d’une nouvelle idée :

« Je veux dire assez bien… »

Ma sœur eut une exclamation d’impatience et allait s’élancer sur moi. Je n’avais aucun moyen de défense, car Joe était occupé dans la forge, quand M. Pumblechook intervint.

« Non ! calmez-vous… laissez-moi faire, ma nièce… laissez-moi faire. »

Et M. Pumblechook se tourna vers moi, comme s’il eût voulu me couper les cheveux, et dit :

« D’abord, pour mettre de l’ordre dans nos idées, combien font quarante-trois pence ? »