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Edwin Drood se mit à fredonner un air populaire et s’arrêta comme pour admirer les effets pittoresques de clair de lune qui s’offraient à ses regards.

« Il ne me semble pas très-courtois de votre part, dit Neville, de faire de ces réflexions piquantes sur un étranger qui n’a pas eu les avantages dont vous avez joui et qui arrive ici pour s’efforcer de réparer le temps perdu. Cependant il y a une chose sûre, c’est que je n’ai pas été assujetti à une vie régulière et laborieuse comme la vôtre et que mes idées sur la politesse se sont formées au milieu de païens.

— La meilleure politesse, répliqua Edwin Drood, quelle que soit l’espèce de gens parmi lesquels vous ayez été élevé, consisterait peut-être à vous occuper de vos affaires. Si vous me donnez l’exemple de cette politesse, je promets de le suivre.

— Savez-vous que vous le prenez sur un ton beaucoup trop haut, riposta Neville et qu’au pays d’où je viens il pourrait vous en être demandé raison ?

— Par qui donc, » demanda Edwin Drood en s’arrêtant tout court et en toisant son interlocuteur avec un air de dédain.

Mais en ce moment une main se posa sur l’épaule d’Edwin, et Jasper se trouva debout entre eux.

Il paraît que lui aussi avait rôdé autour de la Maison des Nonnes et il était arrivé derrière les jeunes gens en suivant le côté de la route plongé dans l’ombre.

« Ned… Ned… Ned !… dit-il, cessons ces disputes… je n’aime pas cela. J’ai entendu des mots vifs échangés entre vous. Rappelez-vous, mon cher enfant, que vous vous trouvez ce soir dans la position d’un hôte. Vous êtes presque un habitant de la ville, et, comme tel, tenu d’en faire les honneurs à un étranger… M. Neville est un étranger et vous devez pratiquer envers lui les devoirs de l’hospitalité. Et, ajouta Jasper en posant sa main gauche sur l’épaule de Neville et en marchant entre eux deux, M. Neville me pardonnera si je le prie de reprendre son empire sur lui-même. Bon ! Maintenant, qu’y a-t-il ?… Mais pourquoi le demander ? Disons qu’il n’y a rien, et que