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Maison des Nonnes, restèrent les yeux fixés sur la plaque de cuivre comme si le vieux beau délabré au lorgnon dans l’œil leur avait semblé les braver insolemment.

Ils se regardèrent l’un l’autre, puis promenèrent leurs yeux sur la longue rue éclairée par la lune et se mirent lentement à marcher côte à côte.

« Devez-vous faire un long séjour ici, M. Drood ? dit Neville.

— Non, pas cette fois, lui fut-il répondu avec insouciance. Je repars pour Londres, demain matin. Mais je reviendrai de loin en loin, jusqu’au milieu de l’été et alors je dirai adieu à Cloisterham, pour un certain temps, je l’espère.

— Un voyage à l’étranger ?

— Je vais réveiller un peu l’Égypte, daigna répondre Edwin.

— Vous donnez des leçons ?

— Des leçons, répéta Edwin Drood avec une certaine nuance de dédain ; je suis ingénieur-mécanicien ; mon modeste patrimoine a été placé par mon père dans la maison dont je fais partie ; les intérêts m’en seront servis jusqu’à ma majorité et alors j’entrerai en possession de la part qui me reviendra. Jacques, que vous avez vu au dîner, est mon tuteur.

— J’ai entendu parler par M. Crisparkle de votre autre bonne fortune.

— Qu’entendez-vous par cette autre bonne fortune ? »

Neville avait fait cette observation aventureuse avec beaucoup de prudence et ce mélange de hardiesse et de témérité qui le caractérisait en tout.

Edwin avait répliqué avec une brusquerie à peine polie.

Ils s’arrêtèrent et échangèrent tous deux des regards dans lesquels il y avait presque de la haine.

« J’espère, dit Neville, que vous ne voyez pas une offense, M. Drood, dans l’innocente allusion que j’ai faite à vos fiançailles.

— Par saint Jacques ? s’écria Edwin se remettant à marcher d’un pas plus vif, chacun dans cette vieille ville de Cloisterham bavarde sur ce sujet. Je m’étonne qu’une