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de rêve effrayant pendant lequel il devient plus menaçant encore, il m’oblige à sentir ce qu’il ressent, à savoir qu’il est là, toujours là, assis près de moi, plus terrible que jamais,

— Où voyez-vous en tout cela des raisons de frayeur, chère petite ?… De quoi vous croyez-vous menacée ?

— Je ne sais… Je n’ai jamais osé y penser ni me le demander.

— Et c’est là ce qui vous est arrivé ce soir, rien de plus ?

— Oui, c’est tout ; mais ce soir, tandis qu’il épiait mes lèvres si attentivement pendant que je chantais, je me sentais plus honteuse et plus cruellement blessée. Il me semblait qu’il m’embrassait… Je n’ai pu supporter cette sensation épouvantable… Je me suis mise à pleurer. Vous ne soufflerez mot de ceci à personne du moins. Eddy lui est très-attaché. Mais vous avez dit, ce soir, qu’en aucune circonstance, vous n’auriez peur de lui, et cela m’a donné, à moi qui en ai si peur, le courage de confier ce secret à vous, rien qu’à vous. Tenez-moi… restez avec moi… je suis trop effrayée pour demeurer seule. »

Helena pencha son brillant visage de bohémienne sur les deux bras qui l’étreignaient et sur la poitrine qui se pressait contre la sienne ; ses cheveux noirs se dénouant tombèrent comme un voile protecteur sur les formes enfantines de la jeune fille : un rayon de feu couvait dans ses yeux, bien qu’ils fussent adoucis par un sentiment de pitié et d’admiration.

Que ceux que ce récit intéresse remarquent bien ce détail.



CHAPITRE VIII

Les couteaux sont tirés


Les deux jeunes gens, après avoir vu les demoiselles dont ils étaient les cavaliers entrer dans la cour de la