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plaisant, à demi sérieux. Si j’ai tant et de si grandes fascinations, quelle pitié que maître Eddy n’en sente pas plus les effets ! »

On pense bien que la nature de ses relations avec ce jeune homme avait déjà été expliquée à Helena dans le Coin du Chanoine.

« Mais, certainement, il vous aime et de tout son cœur ! s’écria Helena avec un sérieux imperturbable où l’on devinait des intentions menaçantes envers Edwin Drood, pour le cas où il n’en aurait pas été ainsi.

— Je suppose qu’il m’aime, dit Rosa avec sa petite moue ; il est certain qu’il ne m’a pas donné le droit de dire qu’il ne m’aime pas. Peut-être y a-t-il de ma faute. Peut-être ne suis-je pas aussi bien pour lui que je devrais l’être ; je veux bien le croire. Mais c’est bien ridicule ! »

Les yeux d’Helena eurent l’air de demander ce qui était ridicule.

« Eh oui ! dit Rosa, répondant comme si la question lui avait été faite, nous sommes un couple fort ridicule. Et nous nous disputons sans cesse.

— Pourquoi ?

— Parce que nous savons que nous sommes ridicules, ma chère ! »

Rosa débita cette réponse comme s’il n’y en avait pas au monde de plus concluante.

Le regard dominateur d’Helena était resté fixé sur le visage de sa compagne ; tout à coup, dans un élan de cordialité, elle lui tendit les deux mains.

« Vous serez mon amie, dit-elle, et vous me viendrez en aide.

— Sincèrement, ma chère, je le veux bien, répliqua Rosa, avec un ton d’affection enfantine qui dut aller droit au cœur d’Helena. Je serai pour vous une aussi bonne amie que le peut un pauvre petit être comme moi envers une noble créature comme vous. Vous aussi, soyez une amie pour moi, je vous en prie ; je ne me comprends pas bien moi-même, et, en vérité, j’ai bien grand besoin d’une amie qui me comprenne. »

Helena l’embrassa, et retenant ses deux mains dans les siennes, elle dit :