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s’interrogeant et cherchant à se rassurer les unes les autres.

« Pussy n’est pas habituée à un auditoire, voilà tout, dit Edwin Drood. Quand on l’écoute, elle devient nerveuse, et sa voix ne veut plus sortir. Et puis, Jacques, vous êtes un maître si consciencieux, vous demandez tant, que je crois que vous lui faites peur… Cela n’a rien d’étonnant.

— Non ; cela n’a rien d’étonnant, répéta Helena.

— Vous l’entendez, Jacques ! vous auriez peur de lui dans de telles conditions, n’est-ce pas, mademoiselle Landless ?

— Dans aucune circonstance, » répliqua Helena.

Jasper laissa retomber ses mains, regarda par-dessus son épaule, et remercia Helena d’avoir élevé la voix en faveur de son caractère ; puis il se mit à jouer en sourdine sans frapper les notes pendant que l’on conduisait sa jeune élève près d’une fenêtre pour y prendre l’air.

On la choyait à qui mieux mieux, mais quand elle fut remise et ramenée au piano ; la place de Jasper était vide.

« Jacques est parti, Pussy, lui dit Edwin. J’ai bien peur qu’il ne se soit pas trouvé flatté d’avoir été présenté comme le monstre qui vous effraie. »

Rosa ne répondit pas un mot ; elle frissonna encore comme si on l’avait exposée à un air un peu trop froid.

Mlle Twinkleton prit alors la parole pour dire à Mme Crisparkle :

« En vérité, il est bien tard pour se trouver hors des murs de la maison des Nonnes, et nous qui avons entrepris de former les femmes et les mères futures de l’Angleterre… »

Ces dernières paroles furent prononcées à voix basse sur le ton confidentiel.

« … nous sommes tenues… »

La voix s’éleva de nouveau.

« … à donner le bon exemple. Ce n’est pas à nous de laisser croire que nous avons des habitudes de dissipation. »

Sur ce, on mit en réquisition les châles et les manteaux,