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M. Crisparkle regarda le jeune homme avec une sorte d’incrédulité, mais le visage de Neville respirait une conviction si absolue et si ferme que le chanoine baissa les yeux vers le pavé.

Il resta plongé dans ses réflexions jusqu’au moment où ils se retrouvèrent devant sa porte.

C’est moi qui vous demanderai de faire encore un tour cette fois, reprit le jeune homme, dont le visage s’animait. Sans l’éloquence de M. Honeythunder… Je crois que vous avez dit éloquence, monsieur ?… ajouta-t-il avec un peu de malice.

— Moi, oui, j’ai dit : éloquence, répondit M. Crisparkle.

— Sans l’éloquence de M. Honeythunder, je n’aurais pas à vous faire la question que je vais vous adresser. Ce M. Edwin Drood, monsieur… C’est bien son nom je pense ?

— Parfaitement, dit M. Crisparkle, D… r… deux o… d.

— Étudie-t-il ou a-t-il étudié avec vous ?

— Jamais, M. Neville ; il vient ici pour voir son parent, M. Jasper,

— Mlle Bud est-elle aussi sa parente, monsieur ?

— Pourquoi me fait-il cette question avec ce feu soudain dans le regard ? » pensa M. Crisparkle.

Puis il dit tout haut ce qu’il savait de la petite histoire des fiançailles entre Rosa Bud et Edwin.

« Oh ! c’est cela ! dit le jeune homme. Je comprends maintenant ses airs de propriétaire. »

Ces derniers mots, il les avait laissé échapper en se parlant à lui-même, et cette réflexion semblait si peu s’adresser à M. Crisparkle, que ce dernier se tut.

Il sentit instinctivement que les relever serait aussi indiscret que de faire allusion au passage d’une lettre lue par-dessus l’épaule de la personne qui l’écrirait.

Un moment après, ils rentrèrent à la maison.

M. Jasper était au piano quand ils entrèrent au salon ; il accompagnait Mlle Rosa Bud qui chantait : comme il jouait de mémoire et sans musique, et que la jeune fille état une petite créature étourdie très-susceptible de commettre des erreurs, il suivait aussi bien le chant sur ses lèvres que des doigts sur le piano et, de temps en temps,