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lait sans le vouloir, en repoussant la confiance de ce jeune esprit à peine formé, s’ôter peut-être les moyens de le diriger et de l’améliorer dans l’avenir.

Ils étaient alors arrivés en vue de la maison aux fenêtres de laquelle on voyait briller des lumières.

Il s’arrêta.

« Revenons sur nos pas, dit-il, et faisons encore un tour de promenade, monsieur Neville. Je veux vous donner le temps de terminer ce que vous aviez l’intention de me dire. Vous avez été trop prompt à penser que je voulais comprimer votre confiance. Au contraire, j’y fais appel à présent.

— Vous y avez sans cesse fait appel sans le savoir depuis que je suis arrivé, monsieur. Je dis « sans cesse », comme s’il y avait déjà une semaine que je suis ici. La vérité est, monsieur, que nous étions venus, ma sœur et moi, bien décidés à vous chercher querelle, à nous mettre en hostilité ouverte contre vous et à nous enfuir après.

— Ce n’est pas possible ? balbutia M. Crisparkle, fort embarrassé pour trouver autre chose à dire.

— Vous comprenez, monsieur, que nous ne pouvions savoir ce que vous étiez… Le pouvions-nous ?

— Certainement non, dit M. Crisparkle.

— Et n’ayant jamais aimé aucun de ceux avec lesquels nous nous sommes trouvés en rapport, nous avions pris le parti d’avance de ne pas vous aimer.

— En vérité ! répéta M. Crisparkle.

— Mais nous vous aimons, monsieur. Nous avons vu tout de suite une si grande différence entre votre maison, et la réception que nous y avons reçue et tout ce que nous avons jamais rencontré ailleurs ! Je vous le dis parce que le hasard a voulu que je fusse seul avec vous… Et puis le calme et la tranquillité de tout ce qui nous entoure, la vieille ville de Cloisterham, si belle à la clarté de la lune, toutes ces choses réunies m’ont poussé à vous ouvrir mon cœur.

— Je comprends parfaitement, monsieur Neville ; il est salutaire de céder à de si bonnes influences.

— En vous révélant mes imperfections, monsieur, je dois vous prier de ne pas supposer que je vous avoue en