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« Vous n’avez jamais vu battre votre sœur, dit-il ; j’ai vu, moi, cet homme battre la mienne, et je ne l’ai jamais oublié !

— Ce n’est pas une raison, dit M. Crisparkle. »

Il devenait moins sévère, en dépit de lui-même, à mesure que son indignation s’en allait.

« Rien, entendez-vous, ne saurait justifier les paroles que vous venez de prononcer, pas même les larmes remplissant les yeux de votre sœur.

— Je regrette donc de les avoir employées surtout en m’adressant à vous, monsieur, et je vous prie de les oublier. Mais, permettez-moi de rectifier vos idées sur un autre point. Vous avez parlé des larmes de ma sœur. Elle se serait laissée mettre en pièces par notre beau-père plutôt que de lui donner la satisfaction de verser une larme. »

M. Crisparkle repassa ses notes mentales et ne fut nullement surpris de ce qu’il entendait de nouveau, ni disposé à le mettre en doute.

« Peut-être trouverez-vous extraordinaire, monsieur, reprit le jeune homme après une légère hésitation, que je vous demande si vite la permission de vous faire mes confidences. Cependant si vous aviez la bonté d’écouter un mot ou deux pour ma défense…

— Votre défense ? répéta M. Crisparkle, vous n’avez pas à vous défendre, monsieur Neville.

— Je pense le contraire, monsieur. Tout au moins aurais-je à dire ce qui peut m’excuser, et si vous connaissiez mieux mon caractère…

— Bon, monsieur Neville, reprit le chanoine, est-ce que vous ne me laisserez pas le soin de le découvrir ?

— Puisque tel est votre désir, monsieur, répondit le jeune homme avec un brusque changement dans les manières et une expression de désappointement sur le visage, puisqu’il vous plaît de m’arrêter dans mon expansion, je dois me soumettre. »

Il y avait dans le ton dont ce peu de paroles était prononcé quelque chose qui émut la conscience de cet homme juste.

Ce reproche contenu lui donnait à comprendre qu’il al-