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répliqua le voyageur. Votre maître est moralement tenu et doit être contraint, sous peine d’une forte amende, de songer aux aises de ses semblables. »

Le conducteur continuait à promener d’un air inquiet ses mains investigatrices sur toute sa personne.

« Me serais-je assis sur vous ?

— Oui, monsieur.

— Prenez cette carte, mon ami.

— Je ne voudrais pas vous en priver, répliqua le conducteur après y avoir jeté les yeux sans la prendre. Quel bien peut-elle me faire ?

— Soyez membre de notre société.

— Qu’y gagnerais-je ?

— Des frères ? répliqua le voyageur d’une voix terrible.

— Merci, dit le conducteur d’un ton décidé en mettant pied à terre, ma mère se contente de moi, et moi je suis content comme le juif ; je n’ai pas besoin de frères.

— Mais il faut bien que vous en ayez, reprit le voyageur en descendant à son tour, que vous le vouliez ou non, je suis votre frère.

— Eh ! dites donc, s’écria le conducteur qui commençait à sortir de son caractère, n’allez pas trop loin ! Le ver de terre relève la tête, quand… »

Mais, en ce moment, M. Crisparkle s’interposa en disant d’un ton amical :

« Joe… Joe… Joe !… ne vous oubliez pas, Joe, mon brave garçon ! »

Joe se calma et porta silencieusement la main à son chapeau.

Le chanoine accosta alors le voyageur avec ces mots : « M. Honeythunder ?

— C’est mon nom, monsieur.

— Le mien est Crisparkle.

— Le révérend M. Septimus ? reprit le voyageur. Enchanté de vous voir. Nevilie et Helena sont dans l’intérieur. Ayant été un peu accablé dans ces derniers temps, sous le poids des fatigues de ma vie publique, j’ai pensé que je pouvais me permettre de respirer un peu d’air frais et j’ai amené les enfants moi-même ; je repartirai ce soir. Ainsi vous êtes le révérend M. Septimus ? »