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En ce temps-là, il n’y avait point de chemin de fer desservant Cloisterham, et M. Sapsea prétendait qu’il n’y en aurait jamais.

M. Sapsea allait même plus loin, il affirmait que cela n’était pas possible.

Et pourtant, chose merveilleuse à penser, le train express, jugeant Cloisterham indigne d’une station, le traversait sans s’arrêter dans sa course vers des villes plus importantes ; il y laissait seulement la poussière qu’il soulevait sur sa route, comme un impertinent témoignage de l’insignifiance notoire de la vieille cité claustrale.

Un embranchement de la ligne principale, conduisant à une si petite localité, devait ruiner ou la Compagnie, s’il ne réussissait pas, ou l’Église de l’État, s’il réussissait, et porter dans les deux cas une grave atteinte à la constitution du pays.

Cependant, et malgré ce mépris des constructeurs de chemins de fer, le service ordinaire des transports pour Cloisterham s’était trouvé désorganisé par l’établissement de la voie ferrée ; la grande route avait été abandonnée, le mouvement des messageries s’était transporté sur un autre point de la ville.

C’est donc là que M. Crisparkle se rendit pour attendre l’arrivée du lourd omnibus trapu, chargé à son faîte d’un monceau disproportionné de bagages, qui le faisait ressembler à un petit éléphant portant une tour trop grosse pour sa taille.

Quand ce véhicule, surmonté de son lourd chargement apparut, M. Crisparkle n’aperçut d’abord qu’un gros voyageur installé sur le siège intérieur, les coudes écartés, les mains posées sur ses genoux, empiétant sur la place du conducteur qu’il réduisait à être assis comme sur la tête d’une épingle, et tournant vers lui, à l’arrivée, son visage aux traits accusés.

« Est-ce là Cloisterham ? » demanda-t-il d’une voix tonnante.

— Oui, monsieur, répondit le conducteur qui frottait son corps endolori et jetait les guides au garçon d’écurie, et je n’ai jamais été aussi heureux d’y arriver.

— Alors, dites à votre maître de faire élargir le siège,