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à déjeuner dans la petite maison, connue à Cloisterham sous la dénomination de : Coin du chanoine mineur ; car ce coin du chanoine était une tranquille demeure, assise à l’ombre de la cathédrale.

Le croassement des corneilles, les échos éveillés par les rares passants, le son des cloches, et le roulement des orgues de la cathédrale la faisaient encore paraître plus tranquille.

Tous ces bruits étaient plus calmes que le silence même.

Autrefois des hommes de guerre avaient mené joyeuse vie dans le Coin du chanoine ; autrefois des serfs opprimés avaient passé là leur existence de misère et ils y étaient morts ; autrefois des moines puissants y avaient exercé leur pouvoir, tantôt bienfaisant et tantôt nuisible ; toutes ces figures diverses avaient disparu l’une après l’autre du Coin du chanoine et il ne s’en trouvait que mieux.

Le plus grand bienfait du passage de tant d’êtres humains si différents en ce lieu était peut-être d’y avoir laissé, après eux, cet air profond de repos après ce tumulte, cette sérénité romanesque de l’esprit qui dispose à la pitié et à la douceur.

Ces sentiments prenaient ici leur source dans les tristes histoires et les drames émouvants dont ce nid paisible avait été le théâtre : le Coin du chanoine était plein de souvenirs.

Les murs de briques harmonieusement coloriées par le temps, la forte chevelure des lierres, les fenêtres grillées, les chambres à panneaux de chêne, avec les grosses poutres saillantes dans les plafonds, les murs du jardin avec leurs espaliers plantés par les moines et produisant chaque année une abondante récolte de fruits, tels étaient les objets qui s’offraient aux regards de la vieille Mme Crisparkle et du révérend Septimus, pendant qu’ils étaient assis tous deux à table prenant leur repas du matin.

« Que dit la chère maman, demanda le jeune chanoine après avoir donné la preuve d’un sain et vigoureux appétit. Que dit la chère maman de la lettre reçue ce matin ? »

L’agréable vieille dame, après avoir lu cette lettre l’avait déposée sur la table.