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— De briser la glace ou de te rompre un vaisseau.

— Ni l’un ni l’autre de ces deux malheurs, plaise à Dieu, chère maman ! Tiens, regarde ceci. »

Et le révérend Septimus, avec un grand sérieux, de porter et de parer de nouveaux coups et de terminer en envoyant le bonnet de la vieille dame à la Cour de la Chancellerie[1], selon l’expression technique en usage dans les cercles des adeptes du très-noble art de la boxe.

Ce tour d’adresse fut exécuté avec une légèreté de touche telle que c’est à peine si les légers rubans verts et cerise du bonnet en furent effleurés.

Après avoir généreusement accordé sa grâce à la vaincue, le Révérend jeta ses gants de boxe dans un tiroir et fit semblant de regarder par la fenêtre d’un air contemplatif lorsque la servante entra portant la théière.

Quand tout fut prêt pour le déjeuner, c’eût été un plaisir pour un observateur que de voir la vieille dame debout récitant à haute voix la prière du Seigneur et son fils, tout chanoine mineur qu’il était, l’écoutant debout, la tête baissée ; il avait pourtant quarante-cinq ans, et il écoutait cette même prière récitée par les mêmes lèvres avec autant de dévotion filiale qu’autrefois lorsqu’il était un petit enfant.

Qu’y a-t-il de plus joli qu’une vieille femme, si ce n’est une jeune, quand ses yeux sont brillants, quand son corps alerte est bien proportionné, que sa figure est calme et joyeuse, que son costume est celui d’une bergère en porcelaine de Saxe aux couleurs variées et si bien approprié à sa personne et se moulant si exactement sur sa taille ?

Rien de plus joli, pensait le bon chanoine en prenant sa place à table en face de sa mère, veuve depuis longtemps.

Quant à elle, ses pensées auraient pu se résumer dans ces deux mots qui revenaient si souvent dans leurs entretiens intimes : Mon Septimus !

Oui, tous les deux étaient beaux à voir assis ensemble

  1. En argot de boxe cette expression signifie : retenir la tête de son antagoniste de manière à ce qu’il ne puisse la dégager.