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Tope allait annoncer la chose au doyen, comme une découverte vérifiée.

Vêtu d’un costume en grossière flanelle à boutons de corne, le cou serré dans sa cravate jaune dont les bouts étaient deux loques, son vieux chapeau rougi, et ses souliers lacés toujours couverts de la poussière des tombes, Durdles menait une vie paresseuse et vagabonde, portant son dîner avec lui dans une petite écuelle et s’asseyant sur la première pierre tumulaire qu’il rencontrait pour y prendre son repas.

Le dîner de Durdles était à Cloisterham une chose légendaire ; il le portait toujours avec lui, et, dans de certaines occasions bien connues, son écuelle l’avait suivi jusqu’en prison, lorsque, arrêté en état d’ivresse et reconnu incapable de se conduire, il avait été produit de vive force devant la Cour, dans la grande salle de justice.

Ces aventures étaient d’ailleurs assez rares et ne lui étaient arrivées qu’à de longs intervalles, car Durdles était aussi rarement ivre que complètement sobre.

Du reste, point de famille ; c’était un vieux célibataire qui habitait un vieux trou de maison jamais achevée et qu’on supposait avoir été bâtie ou avoir commencé d’être bâtie avec des pierres volées aux murs d’enceinte de la ville.

Devant cette chétive demeure s’ouvrait une sorte de cour, où les pieds s’enfonçaient dans une couche épaisse de pierres brisées.

Au milieu s’élevait un fouillis de vieux marbres, d’urnes, et de colonnes mutilées de tous les styles.

On aurait dit un petit bois pétrifié.

Là, deux ouvriers à la journée taillaient, taillaient toujours la pierre ; deux autres, assis face à face, sciaient, sciaient à l’envi sans trêve ni relâche, sortant de leurs sièges couverts, puis, y rentrant avec un mouvement aussi régulier que deux figures mécaniques et emblématiques de la Mort.

Dès que Durdles eut ingurgité son verre de Porto, M. Sapsea lui confia le précieux effort de sa muse.

Durdles, aussitôt, tira avec indifférence de sa poche sa règle de deux pieds et mesura tranquillement les lignes de