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M. Jasper avait fermé les yeux à mesure que la voix du commissaire-priseur devenait plus grave ; tout à coup il les rouvrit, et se mettant à l’unisson du discoureur :

« Ah ! » dit-il.

Puis il s’arrêta ; il avait été sur le point d’ajouter :

« Men… amen !

— Depuis lors, » reprit M. Sapsea, les jambes allongées et savourant les jouissances que donnent un vieux vin et un bon feu, « j’ai toujours été ce que vous me voyez : un homme s’abandonnant à sa douleur solitaire. À partir de ce funeste moment, j’ai répandu dans le désert les trésors de ma conversation du soir. Je ne dirai pas que je me suis adressé des reproches, mais je me suis quelquefois posé cette question : Que serait-il arrivé si le mari de Mme Sapsea, c’est-à-dire moi-même, avait été placé par la nature à un niveau plus rapproché du sien ? Peut-être la pauvre créature a-t-elle toujours eu à regarder trop haut ? Cette obligation n’aurait-elle pas eu une action trop stimulante sur son foie ?

— Peut-être bien, dit M. Jasper de l’air d’un homme qui se laisse aller à quelque sombre rêverie.

— Nous ne pouvons pas le supposer, monsieur, reprend M. Sapsea. Comme je le dis, l’homme propose et Dieu dispose. Cette pensée peut ou ne peut pas être présentée sous une autre forme, mais pour moi, voilà comment je l’exprime. »

M. Jasper fit entendre un murmure d’acquiescement.

« Et maintenant, M. Jasper, continua le commissaire priseur prenant la note manuscrite, le monument de Mme Sapsea est terminé ; la maçonnerie est sèche. Permettez-moi donc de prendre votre opinion, comme celle d’un homme de goût, sur l’inscription que j’ai rédigée, comme j’ai déjà eu l’avantage de vous le dire, non sans une certaine contention d’esprit, pour la faire graver sur le tombeau. Prenez-la… Tenez… La disposition des lignes demande à être suivie des yeux, pendant que l’esprit en pèse les termes. »

M. Jasper se rendit à ce désir et lut ce qui suit :