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comme un homme de goût. Permettez-moi de remplir votre verre et de vous dire, ajouta-t-il en remplissant le sien,

Quand les Français viendront
Puissions-nous les rencontrer à Douvres !

C’était un toast patriotique contemporain de l’enfance de M. Sapsea, et le commissaire priseur était convaincu que ce toast convenait à toutes les époques.

« Vous ne pouvez dissimuler, M. Sapsea, fit observer Jasper en examinant le commissaire priseur avec un sourire tandis que ce dernier étendait ses jambes devant le feu, « que vous connaissez bien le monde.

— Ah ! monsieur, dit M. Sapsea, en poussant un petit rire à son tour, je pense le connaître un peu… quelque peu.

— La réputation que vous avez de posséder cette connaissance m’a toujours intéressé et surpris. C’est ce qui m’a donné le désir de vous connaître ; car Cloisterham est une petite ville… Claquemuré comme je suis dans son enceinte, je ne sais rien du reste du monde… Oh ! je t’aperçois fort bien que Cloisterham est une très-petite ville.

— Je n’ai pas visité les pays étrangers, jeune homme, dit M. Sapsea ; puis il s’arrêta… Vous m’excuserez de vous appeler jeune homme, M. Jasper ?… Mais, vous êtes de beaucoup plus jeune que moi.

— J’en conviens.

— Si je n’ai pas visité les pays étrangers, jeune homme, les pays étrangers sont venus à moi. Ils sont venus à moi par la voie des affaires et j’ai profité de ces occasions. Supposez que je fasse un inventaire ou que je rédige un catalogue ; je vois une pendule française… je n’en avais jamais vu auparavant… mais à l’instant je mets le doigt dessus et je dis : Paris. Je vois des tasses et des soucoupes de fabrique chinoise qui me sont également inconnues, je mets le doigt sur ces tasses et sur ces soucoupes, et je dis : Pékin, Nankin, Canton. Il en est de même pour les choses du Japon et de l’Égypte ; pour les coupes