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quoi ses jambes et ses suffocations vous tiennent-elles au cœur ?

— Il est bientôt l’heure de rentrer, Rosa. Nous n’avons pas fait une bien agréable promenade, n’est-il pas vrai ?

— Agréable !… Dites une très-désagréable promenade, monsieur. Si je monte à ma chambre dès que je serai rentrée et si je pleure au point de ne pas pouvoir prendre ma leçon de danse, c’est vous qui en serez cause, songez-y bien.

— Soyons bons amis, Rosa.

— Ah ! s’écria la jeune fille en secouant la tête et les yeux mouillés de véritables larmes, je voudrais que nous le fussions ! C’est parce que nous ne pouvons rester bons amis que nous nous faisons souffrir l’un et l’autre. Je suis bien jeune pour avoir de vieux chagrins dans le cœur ; mais, réellement… réellement… j’en ai quelquefois. Ne vous fâchez pas. Je sais que vous en avez vous-même et trop souvent. Nous nous serions mieux entendus l’un et l’autre si l’on avait laissé les choses suivre leur cours. Je parle tout à fait sérieusement et je ne cherche pas à vous taquiner. Soyons indulgents l’un pour l’autre, cette fois et toujours. »

Edwin se sentit désarmé par ce mouvement de sensibilité charmante dans cette nature d’enfant gâté ; cependant il avait été bien près de s’emporter contre le reproche indirect que Rosa semblait lui faire de s’imposer à elle.

Mais ses larmes avaient tout effacé.

Il l’entoura donc des soins les plus tendres, tandis qu’elle s’abandonnait à ce petit désespoir enfantin.

Elle tenait son mouchoir à deux mains sur ses yeux, puis elle commença de se calmer, et, son inconstance naturelle aidant, elle se mit à se moquer d’elle-même pour s’être laissé aller à cette émotion ridicule.

Edwin la fit asseoir sur un banc, sous les ormes.

« Un mot de franche explication, chère Pussy, dit-il. Je ne suis pas fort habile en dehors de ma profession, mais j’ai la bonne volonté de bien faire. N’y aurait-il pas…, ne pourrait-il pas y avoir réellement… je ne sais trop comment dire cela, et pourtant je dois m’expliquer