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« Oh ! que c’est ridicule !… s’écrie l’apparition en s’arrêtant et faisant un pas en arrière. Non, Eddy !…

— Que veut dire ce « non, » Rosa ?

— N’avancez pas… n’approchez pas… que c’est ridicule !

— Qu’est-ce qui est ridicule, Rosa ?…

— Toute cette affaire. Il est ridicule d’être une orpheline dont la main est engagée ; il est ridicule de voir toutes les servantes aux aguets, comme des souris dans la boiserie ; il est ridicule de s’entendre ainsi appeler au parloir ! »

On aurait dit que l’apparition tenait son petit pouce rose dans le coin de sa bouche, tandis qu’elle répandait ces lamentations coquettes.

Mais non, ce n’était pas son pouce.

« Vous me faites là une bien affectueuse réception, Pussy, je puis le dire,

— Eh bien, je serai tout autre dans une minute, Eddy, mais je ne puis pas encore en ce moment, je ne puis pas. Comment allez-vous ! »

Ces trois derniers mots sont dits très-sèchement.

« Je ne puis, en vérité, vous dire que je me sente beaucoup mieux en vous voyant, Pussy, attendu que je ne vois rien de votre gracieuse personne. »

Cette seconde remontrance fait briller un petit œil mutin dans un coin du tablier ; mais il se cache vivement :

« Ah ! mon Dieu, vous avez fait couper vos cheveux !

— J’aurais mieux fait de me faire couper la tête, je crois, dit Edwin, passant brusquement la main dans ses cheveux, tout en jetant un coup d’œil de côté et en frappant du pied avec humeur. Faut-il que je m’en aille ?

— Non, pas encore, Eddy, les servantes se demanderaient pourquoi vous êtes venu.

— Une fois pour toutes, Rosa, voulez-vous découvrir votre petite tête ridicule et me souhaiter le bonjour ? »

Le tablier s’abaissa.

La jeune fille répondit enfin :

« Soyez le bienvenu, Eddy… Voilà…, vous devez être content. Donnez-moi la main. Non, je ne peux pas vous embrasser, j’ai un bonbon acidulé dans la bouche.