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Donc, quand le futur mari était attendu, quand il sonnait à la grille, toutes celles qui, sous un prétexte quelconque, pouvaient s’approcher de la fenêtre, y couraient et regardaient de tous leurs yeux.

Celles qui, au contraire, étaient retenues à leurs places, perdaient l’esprit ; le désordre s’emparait à ce point de la classe de français que la sous-maitresse elle-même tournait autour de la salle comme la fine bouteille autour de la table à une partie gastronomique au siècle dernier, le siècle des fines bouteilles.

Dans l’après-midi de ce jour, un peu après le dîner de deux heures, la cloche de la grille se mit en branle, et l’émotion ordinaire se produisit.

« M. Edwin Drood demande à voir Mlle Rosa. »

Ainsi s’exprima la première femme de chambre préposée au service du parloir.

Mlle Twinkleton, d’un air de mélancolie béate, se résigna tout de suite au sacrifice et dit :

« Vous pouvez descendre, ma chère. »

Mlle Bud sort suivie par tous les yeux.

M. Edwin Drood attend dans le salon de Mlle Twinkleton.

Ce joli petit salon ne rappelle les études scolaires que par la présence de deux globes : l’un céleste, l’autre terrestre.

Ces globes sont là pour faire comprendre que Mlle Twinkleton, même lorsqu’elle se retire dans ses appartements privés, est encore et à tout moment pleine du sentiment du devoir, et disposée soit à parcourir la terre comme le Juif-Errant, ou à prendre son essor vers les cieux, toujours ardente à la recherche des connaissances qu’elle doit transmettre à ses élèves.

La nouvelle servante n’a jamais vu le jeune gentleman auquel Mlle Rosa est fiancée.

Elle est en train de faire connaissance avec lui, à travers les gonds de la porte ouverte et descend précipitamment l’escalier de la cuisine, comme une personne prise en faute, au moment où une charmante petite apparition, une petite tête cachée dans un tablier de soie se glisse dans le salon.