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— Les marins ?

— Je viens de te le dire, les Jacks, les loups de mer et autres joueurs de couteaux.

— J’aurais besoin de savoir, par toi, exactement son adresse.

— Très-bien. Donnez le vieux shilling. »

M. Datchery lui remet le shilling.

Il règne entre eux l’esprit de confiance qui devrait se rencontrer dans toutes les transactions commerciales entre gens d’honneur ; l’affaire est considérée comme faite.

— Mais voici une drôle de chose ! s’écrie Deputy. Où pensez-vous que Son Altesse Royale doit aller demain matin ? Que le diable m’emporte si elle ne veut pas se rendre à la ca…thé…drale !…

Il scande le mot et sépare chaque syllabe selon son habitude ; ne trouvant pas que la signification qu’il vient de donner à ce mot ca—thé—drale soit encore assez accentuée, il se met à exécuter une danse lente et grave, qu’il suppose, peut-être, devoir figurer la marche du bedeau.

M. Datchery reçoit cette communication d’un air satisfait, quoique son visage garde, une expression pensive, et il rompt la conférence.

Il retourne à son logis, s’assoit devant son souper composé de pain, de fromage, de salade, et d’ale, depuis longtemps préparé pour lui, par les soins de Mme Tope.

Il reste assis à table longtemps après que son souper est fini.

Enfin, il se lève, ouvre la porte d’un buffet d’encoignure, et consulte certaines marques grossièrement faites à la craie sur la face interne de cette porte.

« J’aime, dit M. Datchery, cette vieille mode de tenir les comptes, usitée dans les tavernes, C’est incompréhensible pour tout le monde, sauf pour celui qui tient cette comptabilité. Celui-ci ne se compromet pas et le consommateur est débité de tout ce qui est écrit contre lui. Hum !… ah !… j’ai ce soir une bien pauvre marque à ajouter, une bien pauvre marque ! »

Il soupire, prend un morceau de craie sur une planche