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de la même somme aujourd’hui pour le même motif et si vous me la donnez, sur mon âme, elle sera employée honnêtement, cette fois encore.

— Quelle est cette drogue ?

— Je serai franche avec vous, avant comme après. C’est de l’opium. »

M. Datchery, changeant tout à coup de physionomie, se mit à la regarder encore plus attentivement.

« C’est de l’opium, cher monsieur, ni plus ni moins, répéta-t-elle. Et vous êtes comme bien d’autres, vous avez entendu dire souvent ce qu’on dit contre l’opium, mais rarement ce qui peut être dit en sa faveur. »

M. Datchery commença de compter lentement la somme qui lui avait été demandée.

La vieille, tout en suivant d’un œil cupide le mouvement de ses mains, continuait de lui parler du grand exemple qu’elle l’invitait à suivre.

« C’était la veille de la dernière fête de Noël ; la nuit allait tomber quand je me trouvai ici, près du jeune gentleman qui me donna les trois shillings six pence. »

M. Datchery s’arrêta dans son compte, s’aperçut qu’il s’était trompé, remit toute sa monnaie ensemble et recommença.

« Et le nom du jeune gentleman, ajouta-t-elle, était Edwin. »

M. Datchery laissa tomber une pièce de monnaie, et se baissa pour la ramasser ; son visage s’était coloré sous l’effort sans doute qu’il venait de faire.

« Comment connaissez-vous le nom de ce gentleman ?

— Je lui ai demandé et il me l’a dit. Je ne lui avais fait que ces deux questions : Quel était son prénom et s’il avait une bonne amie ? Il m’a répondu que son prénom était Edwin et qu’il n’avait pas de bonne amie. »

M. Datchery s’arrêta, regardant les pièces blanches qu’il avait dans la main, comme s’il étudiait leur valeur ou comme s’il ne pouvait se décider à s’en séparer.

La vieille le regarda d’un air méfiant.

Déjà elle laissait gronder la colère qu’elle se préparait à exhaler de la belle façon, dans le cas où M. Datchery reviendrait sur ses dispositions généreuses.