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— A-t-il une profession, mon bon monsieur ?

— Une profession ?… oui ; il chante dans le chœur.

— Vous dites ?

— Dans le chœur.

— Qu’est ce que c’est que cela ? »

M. Datchery quitte ses papiers et se présente sur le pas de sa porte.

« Savez-vous ce que c’est qu’une cathédrale ? » lui demande-t-il d’un air jovial.

La femme fait d’abord un signe de tête affirmatif, puis elle semble embarrassée et se creuse la tête pour trouver la définition qu’on lui demande.

Heureusement il lui vient à l’esprit qu’il est plus facile de montrer l’objet même à définir, et d’un geste elle indique la masse qui se détache sur un ciel bleu où brillent les premières étoiles.

« Voilà qui s’appelle répondre, dit M. Datchery. Rendez-vous donc là à sept heures demain matin ; vous pourrez voir M. John Jasper et de plus vous l’entendrez.

— Je vous remercie !… Je vous remercie !… »

L’air triomphant qu’elle met à le remercier n’échappe pas à l’attention du simple bourgeois d’humeur facile, qui vit à Cloisterham paresseusement et de son revenu.

Il la regarde, se croise les mains derrière le dos à la façon des bons bourgeois, et se met à marcher précisément à côté d’elle dans l’enceinte sonore du cloître.

« Vous pouvez, suggère-t-il en retournant la tête en arrière, vous pouvez encore monter au logis de M. John Jasper. »

La vieille le regarde et secoue la tête.

« Ah ! vous ne désirez pas lui parler ? »

Elle lui fait une autre réponse muette et ses lèvres articulent un non, qui en sort sans bruit.

« Vous pourrez l’admirer à distance, trois fois par jour, et même chaque fois que cela vous plaira. Mais vous me semblez avoir fait bien du chemin pour vous donner une si petite satisfaction. »

La vieille releva vivement les yeux.

Si M. Datchery se figurait arriver ainsi à lui faire dire d’où elle venait, il était par trop bonasse.