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Le même soir, la pauvre créature se tenait postée dans la Rue Haute de Cloisterham, regardant tous les toits pointus de la Maison des Nonnes.

Elle s’arrangea pour employer le temps, du mieux qu’elle pût, jusqu’à neuf heures, heure à laquelle elle avait lieu de supposer que l’arrivée de l’omnibus amènerait des voyageurs de quelque intérêt pour elle.

L’obscurité la sert à cette heure, et son attente n’est pas trompée.

Voici le voyageur qu’elle a juré de ne pas manquer deux fois.

« Maintenant, voyons ce que tu vas devenir, marche ! »

Cette injonction adressée au nuage qui passe aurait pu l’être au voyageur lui-même, tant il s’y conforme exactement en suivant la Rue Haute, jusqu’au moment où il arrive à une porte en arcade sous laquelle il s’évanouit tout à coup.

La pauvre créature hâte le pas, elle est preste et se trouve tout près de lui lorsqu’il disparaît sur le porche, mais elle ne voit que l’escalier d’une poterne sur l’un des côtés de l’arcade, et de l’autre côté une vieille chambre voûtée dans laquelle une grosse tête grise de vieux gentleman, est en train d’écrire.

La vieille remarque cette étrange circonstance que le gentleman est assis de manière à ne rien perdre de ce qui se passe dans le quartier ; il peut apercevoir tous ceux qui vont et qui viennent.

On dirait le collecteur du droit de péage à la tête d’un pont.

« Holà ! dit-il à voix basse à la vieille, qu’il voit s’arrêter. Qui cherchez-vous ?

— Un gentleman a passé par ici, à la minute, monsieur ?

— En effet. Que lui voulez-vous ?

— Je voudrais savoir où il demeure, mon cher monsieur.

— Où il demeure ?… Au haut de cet escalier.

— Dieu vous récompense !… Quel est son nom, mon cher monsieur ?

— Son nom est Jasper… son prénom John… Monsieur John Jasper.