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« Tu ne m’échapperas pas deux fois. »

Il n’y a qu’une issue à la cour.

À travers un trou pratiqué dans sa porte, elle le guette pour voir s’il ne regarde pas en arrière.

Il n’y songe même pas.

Elle le suit ; elle le voit qui marche d’un pas chancelant, elle marche bien loin derrière lui, mais sans le perdre de vue.

Il gagne Aldersgate Street… une porte s’ouvre immédiatement sur son coup de marteau.

La vieille s’accroupit sous une autre porte, elle examine, elle réfléchit, et arrive facilement à se convaincre que là est la résidence temporaire de l’homme.

Sa patience ne se lasse pas et pourtant les heures s’écoulent ; elle peut acheter du pain, sans faire plus d’une centaine de pas, et du lait, car les marchands passent devant elle.

Mais elle ne bouge point.

Jasper sort vers midi ; il a changé de vêtements, il ne porte rien à la main ; personne ne le suit tenant un sac de voyage.

Il ne retourne donc pas encore dans sa province.

Elle le suit encore, hésite, puis retourne brusquement sur ses pas et se dirige audacieusement vers la maison qu’il vient de quitter.

« Le gentleman de Cloisterham est-il à l’hôtel ?

— Il vient de sortir à l’instant.

— Je n’ai pas de chance. Quand doit-il repartir pour Cloisterham ?

— À six heures, ce soir.

— Dieu vous bénisse et merci. Puisse le Seigneur faire prospérer une maison où une question poliment faite, même par une pauvre créature, reçoit une réponse polie. Je ne le manquerai pas deux fois ! » répète la pauvre créature en se retrouvant dans la rue.

Le ton dont elle se servit cette fois n’était plus aussi humble ni aussi doux.

« Mon gentleman de Cloisterham, je serai là avant toi et je guetterai ton arrivée. Oui, je me suis fait serment que je ne te manquerais pas deux fois ! »