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remue encore doucement ; elle murmure à son oreille puis reconnaissant qu’il n’y a plus à espérer de le réveiller pour le moment, elle se remet lentement sur ses pieds et s’écarte du lit.

Mais elle ne va pas plus loin que la chaise placée près de l’âtre.

Elle s’y assied, le coude appuyé sur l’un de ses bras et son menton dans sa main, continuant à surveiller le dormeur.

« Je t’ai entendu dire une fois, murmure-t-elle d’une voix rauque s’exhalant péniblement de sa poitrine embarrassée, je t’ai entendu dire une fois, pendant que j’étais étendue là où tu es : Inintelligible ! »

Elle fit un geste subit.

« Il ne comprend peut-être pas. Mais je le comprendrai, moi. L’expérience me vient sans cesse avec la pratique. Je puis avoir appris le secret de te faire parler, mon chéri. »

Mais Jasper est bien muet et, sauf de rapides contractions du visage et des membres, il est engourdi et comme pétrifié.

La misérable chandelle a brûlé jusqu’au bout, la femme prend entre ses doigts le lumignon près de s’éteindre et y allume une autre chandelle qui se consume à son tour.

Jasper est toujours plongé dans le même état d’insensibilité.

Les premières lueurs du jour pénètrent dans la chambre.

Le dormeur se met sur son séant, il tremble, il frissonne, puis lentement revient à lui ; il retrouve la conscience de l’abominable lieu, puis il se prépare à partir.

La vieille reçoit ce qu’il lui donne en paiement, avec un : Dieu vous bénisse !

« Dieu vous bénisse, mon chéri ! » répète-t-elle avec une grande affectation de reconnaissance.

Elle semble brisée par la fatigue et prend ses dispositions devant lui pour se livrer au sommeil, dès qu’il aura quitté la chambre.

Mais à peine l’escalier a-t-il cessé de craquer sous ses pieds, qu’elle se glisse derrière lui en murmurant d’un air de menace :