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vie poursuit encore son cours dans Cloisterham, c’est la puissance de végétation qui éclate dans ses nombreux jardins.

Il y en a partout ; et, jusqu’au pauvre théâtre tombant en ruines a son petit jardin où le démon, quand il disparaît de la scène pour s’enfoncer dans les régions infernales, retombe au milieu des plates-bandes de haricots violets ou sur un lit d’écailles d’huitres qui couvre la terre, suivant la saison.

Au milieu de Cloisterham, s’élève la Maison des Nonnes, vénérable édifice construit en briques, qui tire probablement son nom actuel de la légende qui en fait un ancien couvent.

Sur la jolie grille qui ferme sa vieille cour, est fixée une brillante plaque de cuivre portant ces mots :

pensionnat de jeunes demoiselles.
MADEMOISELLE TWINKLETON.

La façade de la maison est vieille et noircie par le temps.

La plaque étincelante attire vivement le regard et ce contraste rappelle à l’esprit de tout étranger doué de quelque imagination, l’idée d’un vieux beau décrépit portant un lorgnon doré incrusté dans son arcade sourcilière sur son œil qui ne voit plus.

Il faut croire que les nonnes du temps jadis, pauvres créatures rompues à l’humilité chrétienne, courbaient la tête pour éviter les poutres saillantes des plafonds, dans les cellules étroites et basses.

Assises devant les vieilles fenêtres également basses, également étroites, elles récitaient leurs chapelets dans un but de mortification, et ne songeaient point à s’en faire des ornements et des colliers.

Peut-être, pour achever d’extirper en elles l’indestructible levain du monde, qui continuait à fermenter dans leurs cœurs, les tenait-on sans cesse enfermées vivantes dans les angles de l’épaisse muraille, sous les combles étouffants de leur étrange demeure…