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prit de cet homme n’était en accord moral ou en communication avec rien de ce qui l’entourait.

Il avait fait cette confidence à son neveu autrefois, avant l’événement qui avait donné naissance à son impassibilité actuelle et apparente.

Qu’il connût le départ précipité de Rosa et qu’il en eût deviné la cause, cela ne faisait pas l’objet d’un doute.

Devait-il supposer qu’elle gardait le silence par frayeur, ou devait-il supposer qu’elle s’était confiée à quelqu’un… à M. Crisparkle, par exemple ?…

M. Crisparkle ne pouvait arriver à se faire une opinion sur ce point.

Dans l’esprit de justice qui l’animait, il reconnaissait d’ailleurs que le fait de tomber amoureux de Rosa n’était pas un crime ; ce n’était pas un crime non plus de sacrifier sa vengeance à son amour !…

L’effroyable soupçon contre Jasper, dont l’esprit de Rosa était involontairement troublé, ne paraissait pas avoir été accueilli par M. Crisparkle.

S’était-il présenté à l’esprit d’Héléna ou de Neville ?

Ni l’un ni l’autre n’avait jamais dit un mot qui pût le faire penser.

M. Grewgious, quant à lui, ne prenait pas la peine de cacher son implacable aversion pour John Jasper ; mais jamais il n’avait donné à entendre, même d’une façon détournée, que cette aversion pût avoir une pareille source.

C’était un homme aussi réservé qu’excentrique ; il n’avait jamais fait mention de certaine soirée, pendant laquelle, tout en se chauffant les mains au feu de la maison de la porte du cloître, il avait tenu ses regards fixés sur un amas de hardes déchirées et souillées de boue gisant sur le plancher…

Le somnolent Cloisterham, s’il arrivait qu’on y réveillât le souvenir passager d’une histoire déjà vieille de plus de six mois, et qui avait motivé un arrêt de non-lieu de la part des magistrats, se trouvait à peu près également partagé entre ces trois opinions :

Ou le neveu bien-aimé de John Jasper avait été assassiné par son traître et passionné rival ;

Ou il avait péri dans un combat loyal ;