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CHAPITRE XXIII

Encore l’aube


Bien que M. Crisparkle et John Jasper se rencontrassent chaque jour sous le toit de la cathédrale, rien ne s’était passé entre eux au sujet d’Edwin Drood, depuis le jour, remontant à plus de six mois, où John Jasper avait montré silencieusement au chanoine mineur ses dernières résolutions inscrites dans son journal.

li est peu probable, pourtant, qu’ils pussent se voir aussi souvent sans que les pensées de chacun d’eux ne fussent ramenées sur ce triste sujet.

Il n’est pas probable qu’ils pussent se rencontrer quotidiennement sans que chacun d’eux eût le sentiment qu’ils étaient l’un pour l’autre un mystère vivant et un embarras.

Jasper, le dénonciateur et le persécuteur de Neville Landless, et M. Crisparkle, son avocat fidèle et son protecteur, étaient en suffisant antagonisme pour réfléchir avec intérêt sur les desseins que chacun d’eux nourrissait et sur les moyens qu’il méditait de mettre en œuvre.

Mais ni l’un ni l’autre n’abordait jamais cette question.

Aucun genre de dissimulation n’étant dans la nature du chanoine mineur, il l’aurait volontiers remise sur le tapis, mais la réserve opiniâtre dans laquelle se renfermait Jasper ne lui en fournissait point l’occasion.

Impassible, morose, solitaire, l’esprit concentré sur une seule idée et sur la poursuite du but qu’il s’était proposé d’atteindre, Jasper n’était pas en disposition de communiquer ses secrets à l’un de ses semblables ; il vivait en dehors de la vie humaine.

Constamment voué à l’exercice d’un art qui repose sur l’harmonie, il est curieux à remarquer que l’es-