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quand vous me parlez de canards ! Sans compter que ce n’est plus la saison et qu’ils sont très-chers, il est pénible à mon cœur de voir que vous vouliez avoir un canard. L’estomac en est la seule partie délicate, et l’estomac ici n’est point pour vous. Je vois toujours votre assiette redescendre misérablement remplie de peaux et d’os. Cherchez encore, mademoiselle. Pensez davantage à vous et moins aux autres. Un plat de riz de veau, par exemple ; quelque chose où vous puissiez avoir égalité de chance et n’être pas la moins bien servie. »

Quelquefois la partie devenait très-chaude et se prolongeait avec une ardeur qui la rendait vraiment fatigante.

Mais presque invariablement la Billikin s’arrangeait pour avoir l’avantage et se livrait aux coups de raquette les plus extraordinaires et les plus inattendus quand les choses semblaient tourner contre elle.

Tout cela ne rendait pas le séjour de Londres bien agréable à Rosa.

Fatiguée de travailler et de faire la conversation avec Mlle Twinkleton, elle proposait de lire, ce qui était bien accueilli par Mlle Twinkleton, laquelle était une fort habile lectrice.

Mais Rosa ne tarda pas à faire la découverte que Mlle Twinkleton ne lisait pas avec bonne foi.

La vertueuse demoiselle coupait les scènes d’amour, ou bien altérait au contraire les passages qui louaient le célibat chez la femme et se rendait coupable d’un grand nombre d’autres pieuses fraudes.

Comme exemple, prenons ce morceau chaudement coloré :

« Chère adorée, dit Édouard, en serrant une tête chérie contre sa poitrine et en faisant glisser entre ses doigts caressants des cheveux soyeux qui ruisselaient comme une cascade dorée, chère adorée, fuyons ce monde égoïste et la stérile froideur de ces cœurs de pierre, envolons-nous vers les chaudes régions du paradis de la confiance et de l’amour. »

Voilà la version frauduleuse qu’y substituait Mlle Twinkleton :