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— Bonsoir, mademoiselle, dit la Billikin, d’un ton tout à la fois affectueux et digne. En vérité vous êtes seule ici à mes yeux ; aussi je vous souhaite le bonsoir du meilleur de mon cœur, et je me félicite, je suis heureuse de le dire, de n’être pas amenée à exprimer ouvertement mon mépris envers certaines personnes qui, malheureusement pour vous, sont attachées à la vôtre. »

La Billikin se retira gracieusement sur cette dernière impertinence.

Mlle Twinkleton était outrée, et, à partir de ce moment, Rosa joua le rôle actif de volant entre ces deux raquettes.

Rien ne se faisait sans de terribles préambules.

Quand arrivait la question du dîner, les choses surtout s’allumaient.

« Peut-être, mon amour, voudrez-vous vous consulter avec la maîtresse de la maison, disait Mlle Twinkleton, et lui demander si elle peut nous procurer un rôti d’agneau, ou, à défaut d’agneau, une volaille rôtie. »

À quoi la Billikin répliquait, Rosa n’ayant pas dit un mot :

« Si vous connaissiez mieux la viande de boucherie, mademoiselle, vous n’auriez pas l’idée de demander un rôti d’agneau. Premièrement parce que les agneaux sont des moutons depuis longtemps ; secondement il y a des jours où l’on tue et des jours où l’on ne tue pas. Quant aux volailles rôties, mademoiselle, oh ! vous devez avoir une idée très-surfaite sur les volailles ! Les bonnes sont bien rares. Je ne vous parle point de ces vieilles volailles aux pattes galeuses, comme vous étiez habituée à en manger là-bas. Celles-là sont à bon marché. Essayez d’avoir un peu d’imagination, mademoiselle. Prenez l’habitude de tenir une maison. Allons… cherchez quelque autre chose. »

À cet encouragement donné avec l’indulgente tolérance d’une personne sage et pleine d’expérience, Mlle Twinkleton répondait en frémissant :

« Eh bien, ma chère, vous pourriez proposer à la maîtresse de la maison l’acquisition d’un canard.

— Eh ! chère demoiselle, s’écriait la Billikin, Rosa continuant à ne pas ajouter un mot, vous me surprenez