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Les rues de Cloisterham sont muettes, un souffle y éveille un écho, et, par les jours d’été, les volets des boutiques osent à peine frapper contre les murailles quand le vent du sud les pousse ; le voyageur qui s’y engage regarde avec une sorte de crainte superstitieuse autour de lui et presse le pas pour sortir au plus vite de l’enceinte de ces lieux misérables dont l’atmosphère l’étouffe.

Il le peut, au reste, sans peine, car la ville de Cloisterham n’est pour ainsi dire qu’une seule rue étroite par laquelle on y entre et par où l’on en sort.

Çà et là quelques villas disséminées, nul quartier tracé, puis l’enclos de la cathédrale, et un établissement de quakers.

La couleur et l’aspect de ce dernier monument rappellent le chapeau d’une quakeresse posé dans le coin d’une chambre sombre.

En un mot, Cloisterham est un lieu d’un autre âge et du vieux temps, avec le son rauque de ses cloches, la voix rauque des conseillers, les accents plus rauques des corbeaux humains qui prennent place dans les stalles à la cathédrale.

C’est avec des fragments de vieux murs, avec les pierres des chapelles et des chapitres qu’on a construit les maisons ; les anciens jardins subsistent encore, et au milieu s’élèvent de ces ruines bizarres bien en rapport avec les idées confuses et disparates qui se sont enracinées dans l’esprit des habitants.

Là, tout appartient au passé.

L’unique prêteur sur gages qu’il y ait à Cloisterham ne fait aucune opération nouvelle ; il se contente d’offrir inutilement aux emprunteurs un antique assortiment d’objets qui n’ont pas été retirés d’entre ses mains et dont les articles les plus chers consistent en de vieilles montres ternes et noircies comme par un souffle intérieur ; des pinces à sucre rouillées par l’effet du temps ; des couverts hors de service, et un lot de vénérables volumes lourds et savants.

Les affaires sont mortes.

Tout est mort.

Et, en vérité, la seule chose agréable prouvant que la