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La Billikin sortit de son parloir pour recevoir sa locataire.

Déjà la guerre apparaissait sous les yeux de la Billikin.

Mlle Twinkleton apportait avec elle une quantité considérable de malles et de paquets comprenant ceux de Rosa aussi bien que les siens.

La Billikin trouva mauvais que Mlle Twinkleton, l’esprit troublé par les tracas que lui donnait tout ce bagage, ne répondît pas à ses questions sur son identité personnelle, avec cette netteté de perception que méritaient de pareilles demandes.

En conséquence, la majesté offensée établit son trône nébuleux sur le front de la Billikin.

Et ce fut bien pis quand, par suite d’une distraction de Mlle Twinkleton, elle voulut lui faire prendre deux shillings six pence, au lieu de les donner au cocher.

« Non, dit la Billikin ; non, je vous suis fort obligée, mademoiselle Twinkleton : mais je ne suis pas encore réduite à la mendicité. »

Ainsi repoussée, Mlle Twinkleton demanda d’un air égaré qui elle devait payer ?

Il y avait là deux cochers.

Mlle Twinkleton avait amené deux cabs ; chaque cocher ayant reçu son paiement, gardait cependant la paume de sa main ouverte et semblait en appeler au ciel et à la terre sur la question de savoir si, réellement, il était assez payé.

Terrifiée par ce spectacle alarmant, Mlle Twinkleton déposa un autre shilling dans chacune de ces mains exigeantes tout en faisant elle-même appel à la loi qu’ils violaient et en recomptant son bagage.

Pendant ce temps, les deux cochers, après avoir bien regardé le shilling de supplément et marmotté entre leurs dents, descendirent les marches de la maison, remontèrent sur leurs sièges et s’éloignèrent, laissant Mlle Twinkleton en larmes, assise sur une boîte à chapeaux.

La Billikin vit cette manifestation de faiblesse sans aucune marque de sympathie et donna l’ordre à un homme d’entrer et de s’attaquer à tout ce bagage.