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CHAPITRE III

La maison des nonnes


Pour des raisons que la suite de ce récit fera comprendre, nous donnerons un nom supposé à la vieille ville archiépiscopale ; celui de Cloisterham, par exemple.

Il est possible que les Druides l’aient connue sous une autre désignation ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’elle portait un autre nom sous les Romains ; un autre nom sous les Saxons ; un autre nom encore sous les Normands.

Qu’importe qu’un nom de plus ou de moins, dans le cours de plusieurs siècles, soit constaté dans des chroniques poudreuses ?

C’est une ancienne cité que Cloisterham et le séjour en convient peu à ceux qui aiment le bruit du monde, car elle est silencieuse et monotone, imprégnée d’une odeur terreuse sortant des cryptes de sa cathédrale.

Cloisterham abonde en vestiges de tombes monastiques au point que les enfants y font pousser de petites salades dans la poussière des abbés et des abbesses et font des pâtés avec des nonnes et des frères.

Le laboureur, dans les champs voisins, a pour les lords trésoriers et les archevêques les mêmes attentions que l’Ogre du Livre des Contes souhaitait d’avoir pour son imprudent visiteur ; il broie leurs os pour en faire son pain.

C’est une cité endormie que Cloisterham.

Les habitants semblent croire que tous les changements qui devaient s’accomplir se sont produits dans les siècles passés et qu’il n’en doit plus être fait dans l’avenir.

Étrange moralité qu’ils tirent là de cette antiquité perdue dans la nuit des temps.