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Empaillés, séchés, repolis et préservés des vers par les moyens les plus ingénieux, les oiseaux, les poissons, les reptiles avaient leurs places, et aussi les coquillages, les plantes marines ou terrestres, surtout de magnifiques coraux.

Un pot de vernis était là, à portée de la main de M. Tartar, impatient de faire disparaître les taches laissées par les doigts des visiteurs.

Jamais vaisseau de guerre enfin n’avait été plus net et plus brillant.

Par ce beau jour d’été, M. Tartar avait établi une petite tente pour protéger son jardin fleuriste.

Il n’y a que les marins pour dresser des tentes.

Tout autour de lui avait un air maritime.

Les fleurs de ce jardin auraient pu orner les fenêtres de la poupe d’un navire à flot.

Il semblait que tout l’établissement fût prêt à s’ébranler au son du porte-voix de M. Tartar donnant l’ordre de lever l’ancre.

« Tout le monde à son poste et toutes voiles dehors ! »

M. Tartar faisait à merveille les honneurs de son joli bâtiment.

Quand un homme a son dada, qui ne fait de mal à personne, il est agréable de trouver en lui le sentiment du côté plaisant de la chose.

Quand cet homme est cordial et sérieux par nature, qu’il est en outre franc et naturel, il ne peut se mieux voir à son avantage que dans l’exercice de sa manie.

Aussi, Rosa, conduite autour du navire avec tous les honneurs dus à la première lady de l’Amirauté, ou à la première fée des mers, pensa qu’il était charmant de voir M. Tartar rire tout le premier de toutes ses diverses et bizarres installations.

Mais le jeune marin brûlé par le soleil se montra surtout à son grand avantage, aux yeux de la jeune fille, quand, l’inspection finie, il sortit discrètement de sa cabine d’amiral, la priant de s’en considérer comme la reine et l’assurant qu’elle avait la libre disposition du jardin, par un geste de cette même main vigoureuse qui avait tenu en sa puissance la vie de M. Crisparkle.