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« Juste ciel ! »

Rosa se jeta dans ses bras, en fondant en larmes, et il dit après lui avoir rendu son embrassement :

« Mon enfant !… mon enfant !… j’avais cru voir votre mère ! Mais, ajouta-t-il avec bonté, qu’est-il donc arrivé ?… qu’est-ce qui vous amène ici ?… Au fait, qui vous accompagnait ?…

— Personne, je suis venue seule.

— Juste ciel ! répéta M. Grewgious. Venir seule ! Pourquoi ne m’avez-vous pas écrit d’aller vous chercher ?

— Je n’en avais pas le temps. J’ai pris tout à coup cette résolution. Pauvre… pauvre Eddy !…

— Ah ! oui, pauvre garçon !…

— Son oncle m’a fait une déclaration d’amour. Je ne pouvais supporter cela, s’écria-t-elle, en versant de nouvelles larmes et en frappant le plancher de son petit pied. Cet homme me fait frissonner d’horreur et je suis venue auprès de vous pour que vous me protégiez, moi, et nous tous contre lui, si vous le voulez bien.

— Certes que je le veux, s’écria M. Grewgious avec un brusque et extraordinaire élan d’énergie. Damnation sur ce Jasper !

Que le ciel confonde la politique
Et déjoue ses mauvais tours.
Oser porter sur toi ses espérances !
OseDamnation sur lui ! »

Après cette sortie des plus extraordinaires, M. Grewgious, tout à fait hors de lui-même, se mit à marcher par la chambre.

Était-il dans un accès de loyal enthousiasme ou seulement sous l’empire de ses instincts ordinaires de combativité ?

Il s’arrêta et dit après s’être essuyé le visage :

« Je vous demande pardon, ma chère, mais vous serez heureuse d’apprendre que je me sens mieux… Ne m’en dites pas davantage pour le moment ; cette crise pourrait me reprendre. Vous avez besoin de vous refaire et de vous régayer un peu. Qu’avez-vous pris avant de partir ? Avez-vous déjeuné… lunché… dîné… soupé ? Le repas