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dans un wagon et lui porta son petit sac de nuit, comme si c’eût été une énorme malle trop lourde pour ses petites mains.

« Pourrez-vous, quand vous serez de retour, aller dire à Mlle Twinkleton que vous m’avez vue partir, Joë ?

— Cela sera fait, mademoiselle.

— Présentez-lui mes amitiés, s’il vous plait, Joë.

— Oui, mademoiselle… Et je voudrais bien en avoir ma part ! »

Mais ceci ne fut pas dit, Joë se contenta de le penser.

Désormais emportée vers Londres, Rosa eut le loisir de reprendre le cours des pensées que la précipitation de son départ avait interrompues.

Son indignation, après la déclaration d’amour qu’elle avait reçue, était toujours aussi vive : il lui semblait que cette déclaration l’avait souillée, et qu’elle ne pouvait se laver de cette tache impure qu’en faisant appel à un homme honnête et sincère.

Cette persuasion la soutint d’abord contre ses terreurs et la confirma dans la résolution qu’elle avait prise avec tant de hâte.

Mais quand la soirée devint plus sombre et que la grande cité fut plus proche, bien des doutes commencèrent à la troubler.

N’était-ce pas après tout une démarche insensée ?

Comment M. Grewgious la jugerait-il ?

Le trouverait-elle chez lui après cette journée de travail ?

Que ferait-elle s’il était absent, que deviendrait-elle seule, dans une ville étrangère et si populeuse ?

N’aurait-elle pas mieux fait d’attendre et de demander d’abord conseil ?

Elle pouvait encore, il est vrai, revenir sur ses pas… elle n’en aurait garde…

Retourner à Cloisterham où était Jasper !…

Enfin le train arriva dans Londres.

La voie courait au niveau des toits ; au-dessous d’elle étaient les maisons poudreuses ; les lampes commençaient à s’allumer à peine par cette chaude et brillante soirée d’été.