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Cependant il fallait bien qu’elle vît un but déterminé.

Elle se décida à aller chez son tuteur et même à s’y rendre immédiatement.

Le sentiment dont elle avait fait part à Héléna, lors de leur premier entretien, agissait puissamment sur elle.

Il lui semblait que les solides murailles du vieux couvent n’avaient plus la puissance de la protéger contre les obsessions de son persécuteur, et qu’aucun raisonnement ne pouvait arriver à calmer ses terreurs tant qu’elle serait à Cloisterham.

La fascination répulsive qu’elle subissait depuis si longtemps était arrivée à son comble ; elle sentait que Jasper avait le pouvoir de la courber sous sa volonté ; c’était un charme satanique.

Elle regarda par la fenêtre au moment où elle se leva pour s’habiller.

La seule vue du cadran solitaire sur lequel Jasper était appuyé, tandis qu’il lui faisait sa déclaration, la glaça d’effroi et la fit reculer au fond de sa chambre.

Elle écrivit un billet à Mlle Twinkleton, lui annonçant qu’elle avait une raison soudaine pour désirer voir promptement son tuteur, qu’elle était partie pour se rendre auprès de lui, et insistait pour que la bonne dame ne s’inquiétât pas à son sujet ; car il ne pouvait rien lui arriver de fâcheux.

Elle enferma à la hâte quelques objets de toilette dans un sac de voyage, plaça son billet dans un endroit bien apparent de la chambre, sortit, et referma doucement la grille derrière elle.

C’était la première fois qu’elle se voyait seule dans la Rue Haute de Cloisterham ; mais, connaissant fort bien le chemin, elle se dirigea lestement vers le coin d’où partait l’omnibus.

Elle arriva juste au moment où le cocher fouettait ses chevaux.

« Arrêtez, et prenez-moi, s’il vous plaît, Joë, dit-elle ; je suis obligée de me rendre à Londres. »

Moins d’une minute après, elle était en route pour le chemin de fer sous la protection de Joë.

Joë veilla sur elle quand elle descendit ; il l’installa