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tr’ouvraient ; elle aurait alors voulu parler ; tantôt elle le rejetait au plus profond de son âme ; il prenait par instant presque une force invincible, presque un corps qui s’évanouissait l’instant d’après.

L’affection de Jasper pour son neveu, quand celui-ci était vivant, et ses efforts pour découvrir comment il avait trouvé la mort, s’il était mort en effet, étaient autant de choses connues, unanimement acceptées dans la ville.

Qui donc aurait voulu accueillir la possibilité d’un crime commis par le chantre ?

Elle se disait :

« Mon esprit est-il donc assez pervers pour concevoir une perversité dont les autres ne peuvent avoir même l’idée ? »

Puis elle s’était mise à réfléchir… le soupçon conçu par elle n’avait-il pas sa source dans la répulsion qu’elle éprouvait peur Jasper ?

S’il en était ainsi, n’était-ce pas la preuve de sa vanité et de son injustice ?

Puis elle avait encore réfléchi.

« Quel motif aurait pu le pousser au crime ?… »

Elle rougissait en se répondant à elle-même.

Ce motif, elle le connaissait trop bien.

Et elle se couvrait le visage avec ses mains.

Elle repassa dans son esprit tout ce qu’il avait dit près du cadran solaire, dans le jardin.

Il avait persisté à attribuer la disparition d’Edwin à un assassinat, conséquent en cela avec toute la ligne de conduite publiquement suivie par lui, depuis la découverte de la montre et de l’épingle.

S’il avait sujet de craindre que le mystère du crime ne fût mis au jour, n’aurait-il pas eu plutôt à encourager l’idée d’une disparition volontaire ?

Il avait osé lui déclarer que si les liens qui l’unissaient à son neveu n’avaient pas été si forts, il aurait fait disparaître Edwin d’auprès d’elle.

Était-il probable qu’il eût dit cela, si réellement il l’avait fait ?

Il avait parlé de déposer à ses pieds le travail de six