Page:Dickens - Le Mystère d'Edwin Drood, 1880.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus follement aujourd’hui que jamais ! Je suis prêt à renoncer à ce but que j’avais donné à ma vie et à n’avoir plus désormais d’autre pensée que vous. Mlle Landless est devenue votre amie intime… Vous avez souci de sa tranquillité.

— Je l’aime tendrement,

— Vous avez également souci de l’honneur de son nom !

— Je vous l’ai dit, monsieur, je l’aime comme une sœur.

— Sans le vouloir, dit-il, en s’accoudant sur le cadran solaire et en appuyant son menton sur sa main, de façon à ce que cette conversation, s’il était vu des fenêtres, parût de la nature la plus futile et la plus mondaine, sans le vouloir je vous offense en vous interrogeant encore, je me bornerai donc à exposer les faits, sans faire de questions. Vous avez souci de l’honneur du nom de votre intime amie… vous avez souci de sa tranquillité… Alors, éloignez d’elle l’ombre que projette l’échafaud, chère adorée.

— Vous osez me proposer de…

— Ma chérie, j’ose vous proposer… arrêtez-vous là. Si c’est être méchant que de vous idolâtrer, je suis le pire des hommes, si c’est être bon, j’en suis le meilleur. Mon amour pour vous est au-dessus de toute autre puissance au monde, et il n’y a ni sentiment ni devoir qui puisse le combattre. Laissez-moi l’ombre d’un espoir et je me parjurerai pour vous, »

Rosa porta machinalement ses mains à son front, et fixa sur lui des yeux égarés et pleins d’horreur, comme si elle s’efforçait de bien comprendre toute l’étendue des projets que Jasper formait sur elle.

« Ne songez à rien pour le moment, cher ange, dit-il en souriant, qu’aux sacrifices que je dépose à ces chers petits pieds, devant lesquels je voudrais me prosterner dans la poussière et que je veux couvrir de baisers. Je vous fais hommage de ma fidélité à mon pauvre enfant après sa mort. Tout mon cœur est à vous. Foulez-le aux pieds. Tous mes travaux, depuis six mois péniblement employés à poursuivre une juste vengeance, anéantissez-