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moins forts, je l’aurais fait disparaître d’auprès de vous. »

Un brouillard passa sur les yeux de la jeune fille ; elle eut peur de s’évanouir.

« Même lui !… répéta-t-il. Oui, même lui ! je l’aurais anéanti… Rosa, vous me voyez et vous m’entendez. Jugez par vous-même si quelque autre que lui pourrait vous aimer et continuer de vivre…

Que voulez-vous dire, monsieur ?

— Je veux vous montrer que ma passion est résolue à tout. Il est ressorti de l’interrogatoire auquel a été dernièrement soumis M. Crisparkle, que le jeune Landless, d’après son aveu même, était le rival de mon pauvre enfant perdu. Ceci est à mes yeux une offense qui ne peut s’expier. M. Crisparkle sait, sous la foi d’un écrit de ma main, que j’ai voué ma vie à la découverte et à la destruction du meurtrier, quel qu’il soit ! Je suis déterminé à ne discuter ce mystère avec personne avant d’avoir trouvé un indice qui me permette d’enfermer l’assassin comme dans un filet. J’ai travaillé depuis patiemment pour tendre ce filet autour de lui ; l’œuvre se poursuit au moment où je vous parle.

— Votre croyance à la culpabilité de M. Landless n’est pas partagée par M. Crisparkle, dit Rosa ; c’est un honnête et digne homme.

— Ma croyance est à moi, et je m’y tiens, ma bien aimée, Les circonstances peuvent s’accumuler si fortement, même contre un innocent, que, bien dirigées, bien exploitées, bien mises en relief, elles peuvent entraîner sa perte ; un nouvel anneau dans un enchaînement de preuves, si la persévérance le fait découvrir, peut établir le crime d’un homme, quelque faibles que fussent contre lui les preuves antérieures. Je vous le dis, le jeune Landless est dans un péril mortel,

— Si vous supposez réellement, dit Rosa en devenant plus pâle, que je voie avec faveur le jeune Landless, ou qu’il m’ait jamais adressé ses hommages, vous vous trompez. »

Il accueillit ces paroles avec un geste de dédain, la lèvre plissée et frémissante.

« Je vais vous montrer combien je vous aime follement,