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Rosa prit son chapeau de jardin à son bras et sortit.

Dès qu’elle aperçut Jasper, du porche de la maison, appuyé comme il était sur le cadran solaire, elle éprouva de nouveau l’horrible sentiment de contrainte qu’il exerçait autrefois sur elle.

Elle aurait voulu retourner en arrière, mais déjà on eût dit qu’il la fascinait et l’attirait vers lui.

Elle s’avança et s’assit, la tête penchée, sur un siège rustique, près du cadran.

Elle n’avait pas regardé Jasper à cause de l’horreur qu’il lui inspirait, mais pourtant elle avait vu qu’il était en grand deuil.

Elle aussi portait le deuil : elle ne l’avait pas pris tout d’abord, mais l’absence d’Edwin Drood se prolongeant, elle avait perdu tout espoir, et elle le pleurait comme n’étant plus de ce monde…

Jasper aurait voulu commencer par lui presser la main ; mais elle pressentit son intention et la retira.

Les yeux de Jasper étaient fixés sur elle ; elle le savait, quoique ses yeux, à elle, ne vissent que le gazon.

« Vraiment, dit-il, j’ai attendu, mais en vain… d’être appelé pour reprendre l’accomplissement de mon devoir auprès de vous. »

Les lèvres de Rosa se rapprochèrent ; elle savait que les regards de Jasper étaient toujours fixés sur elle ; elle cherchait une réponse et n’en trouvait pas ; elle finit par dire :

« Votre devoir, monsieur ?…

— Le devoir du professeur, le devoir de vous servir comme un fidèle maître de musique.

— J’ai renoncé à cette étude.

— Vous n’y avez pas renoncé, je pense, vous l’avez discontinuée. Votre tuteur m’a dit que vous interrompiez momentanément nos leçons, sous le coup qui vous avait frappé si douloureusement. Quand les reprendrons-nous ?

— Jamais, monsieur,

— Jamais ?… Vous n’agiriez pas autrement, si vous aviez aimé mon pauvre cher garçon.

— Je l’aimais ! s’écria Rosa avec un élan de colère.

— Oui, mais pas tout à fait… pas tout à fait de la