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qu’il acceptait avec reconnaissance son aimable proposition.

« Je suis très-heureux de prendre vos fenêtres à la remorque, dit le lieutenant. D’après ce que j’ai vu de vous, pendant que je jardinais à ma fenêtre et que vous regardiez à la vôtre, j’ai pensé… excusez-moi toujours… que vous étiez peut-être un peu trop studieux. Vous avez l’air assez délicat ! Puis-je vous demander si votre santé ne serait pas compromise ?

— J’ai eu à supporter une grande douleur morale, dit Neville un peu confus. Il s’en est fallu de peu, en effet, que je ne fusse malade.

— Pardonnez-moi, » dit M. Tartar.

Avec la plus grande délicatesse il ramena la conversation sur les fenêtres et demanda s’il ne pouvait pas regarder par l’une d’elles.

Dès que Neville la lui eut ouverte il sauta par-dessus la barre d’appui comme s’il allait faire une reconnaissance sur le toit.

« Pour l’amour du ciel ! s’écria Neville, où allez-vous, M. Tartar ? Vous allez vous rompre les os !

— Tout va bien ! dit le lieutenant en regardant froidement autour de lui, sur le sommet de la maison. Tout est facile à arrimer. Les fils et les supports seront installés avant que vous ayez sauté à bas du lit demain matin. Puis-je prendre ce chemin, ce sera le plus court pour rentrer chez moi… Bonne nuit !

— M. Tartar ! répétait Neville, je vous en prie… vous me faites trembler. »

Mais M. Tartar, après lui avoir envoyé un adieu de la main, s’était avancé avec l’agilité d’un chat ; il passa au travers de ses plantes grimpantes, sans déranger une feuille, et arriva chez lui.

M. Grewgious venait d’entr’ouvrir le volet de sa chambre à coucher et se trouvait avoir justement les yeux sur l’appartement de Neville, pour la dernière fois de la soirée.

Heureusement, il regardait alors le devant de la maison et non le derrière, sans quoi cette apparition et cette disparition mystérieuses l’auraient empêché de dormir toute la nuit ; il n’aurait pu s’expliquer ce phénomène.