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gious s’il était possible que Neville fût exposé à se voir l’objet d’un fâcheux espionnage ?

« Je le pense, répliqua M. Grewgious d’un air refrogné. Oui !

— Un espionnage qui non-seulement serait le tourment de sa vie, continua M. Crisparkle avec chaleur, mais qui l’exposerait à la torture des soupçons quoi qu’il fasse et dans quelque lieu qu’il se réfugie,

— Oui ! dit M. Grewgious toujours pensif. Mais n’est-ce pas M. Neville que je vois en bas et qui vous attend ?

— Ce doit être lui.

— Alors ayez la bonté de m’excuser si je suis impatient de vous voir sortir pour aller le rejoindre. Suivez le chemin que vous deviez suivre et n’ayez par l’air de remarquer notre ami de Cloisterham. Je suis bien aise de l’avoir sous les yeux ce soir, savez-vous ? »

M. Crisparkle, sans répondre autrement que par un signe d’assentiment significatif, se conforma au conseil de M. Grewgious ; il rejoignit Neville et ils s’éloignèrent tous les deux.

Ils dînèrent ensemble et se séparèrent à la station du chemin de ter ; M. Crisparkle, pour retourner chez lui, et Neville pour se promener par les rues, traverser les ponts, faire une longue course à travers la Cité, au milieu de l’obscurité favorable.

Il prit cet exercice salutaire jusqu’à ce qu’il se sentit épuisé de fatigue.

Il était minuit lorsqu’il rentra de son expédition solitaire et qu’il gravit son escalier, dont les fenêtres étaient ouvertes, car la nuit était chaude.

En arrivant au faîte de la maison, il tressaillit de surprise (son logement étant le seul de cet étage) à la vue d’un étranger assis sur le rebord de la fenêtre.

Hardi comme un vitrier, cet individu semblait n’avoir guère souci de ne pas se rompre le cou ; la position de son corps, placé en dehors de la fenêtre, donnait à penser qu’il était plutôt arrivé par les gouttières que par l’escalier.

L’étranger ne dit rien jusqu’au moment où Neville eut mis la clef dans la serrure de sa porte, puis, se croyant sûr alors de l’identité du jeune homme, il prit la parole :