Page:Dickens - Le Mystère d'Edwin Drood, 1880.djvu/245

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elles étaient séparées par des intervalles de quelques semaines, mais elles étaient aussi profitables que précieuses pour Neville Landless.

Quand ils eurent terminé ensemble le travail qu’ils s’étaient imposé, ils vinrent s’accouder sur le bord de la fenêtre ; de là ils avaient la vue d’un coin du jardin.

« La semaine prochaine, dit M. Crisparkle, vous cesserez d’être seul, vous aurez une compagne dévouée.

— Et pourtant, répliqua Neville, ce lieu me semble bien peu convenable pour y amener ma sœur.

— Je ne suis pas de cet avis. Il y a un devoir à remplir ici. Les sentiments affectueux, la raison, et le courage d’une femme, sont nécessaires dans cette maison.

— Je voulais dire, répliqua Neville, que le quartier est bien triste, et qu’Helena n’y trouvera ni amis ni société.

— Vous n’avez qu’à vous rappeler, dit M. Crisparkle, que vous y êtes vous-même et que c’est Helena qui vous décidera enfin à sortir et à goûter un peu de soleil. »

Tous deux gardèrent le silence pendant un instant, puis M. Crisparkle reprit la parole.

« Quand nous avons causé pour la première fois ensemble, Neville, vous m’avez dit que votre sœur s’était élevée au-dessus des circonstances défavorables de votre vie passée. Vous avez même ajouté qu’elle s’était montrée aussi supérieure à vous que la tour de la cathédrale de Cloisterham dépasse les cheminées du Coin du Chanoine. Vous le rappelez-vous ?

— Parfaitement.

— J’attribuais alors ces paroles à un élan d’enthousiasme fraternel et peu importe ce que j’en pense à présent. Ce que je voulais faire ressortir, c’est que, sous le rapport de la fierté, votre sœur vous donne un grand et utile exemple.

— Sur tous les points qui constituent un beau caractère, elle est pour moi un grand modèle.

— Bien ! mais pour ce qui est de la fierté, imitez-la. Votre sœur a appris à maîtriser ce qu’il y a d’orgueilleux dans sa nature. Elle peut se vaincra, même quand elle est blessée dans l’affection qu’elle a pour vous. Nul doute qu’elle n’eût souffert dans ces mêmes rues où vous avez