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jugement, répliqua brutalement M. Honeythunder.

— Et cette somme j’espère toujours la conserver, répliqua M. Crisparkle qui commençait à comprendre. N’est-ce pas aussi ce que vous voulez dire ?

— Eh bien, monsieur, reprit le philanthrope de profession, en se levant et en enfonçant ses deux mains dans les poches de son pantalon, je ne mesure pas aux gens les chapeaux ; s’ils trouvent que j’en ai qui leur conviennent, ils peuvent les prendre et se les mettre sur la tête. C’est leur affaire et non la mienne. »

M. Crisparkle le regarda avec indignation.

« Monsieur Honeythunder, dit-il, je pensais en venant ici n’avoir pas à me défendre contre les façons et les manœuvres de votre secte. Vous oubliez les formes tolérantes que doit toujours avoir une conversation privée. Vous m’avez fourni un si bel échantillon de votre philanthropie que je mériterais ce qui m’arrive si je gardais le silence. Et quant à vos manœuvres, savez-vous qu’elles sont détestables ?

— C’est-à-dire, monsieur, qu’elles ne sont pas de votre goût.

— Elles sont détestables, reprit M. Crisparkle, sans tenir compte de l’interruption ; elles violent le sentiment de justice qui convient à des chrétiens, et la réserve qui doit exister entre des gens comme il faut. Vous osez bien déclarer tout net qu’un grand crime ayant été commis, j’en connais l’auteur et que je suis au courant de toutes les circonstances du meurtre. J’ai de nombreuses et puissantes raisons pour croire positivement M. Neville innocent. Eh bien ! Parce que je ne partage pas votre opinion sur ce point essentiel, quelle est la ressource oratoire à laquelle vous avez recours ? Vous vous retournez contre moi, vous m’accusez tout au moins de ne pas sentir l’énormité du crime et de m’en faire le défenseur et le complice. Vous me prenez à partie comme représentant votre adversaire. Ce sont les artifices ordinaires dans vos réunions publiques et ce qu’on appelle vos jeux de plate-forme, vous avez l’habitude des professions de foi appuyées sur de pernicieux mensonges. Ce n’est pas la première fois que vous m’attaquez. Dans vos réunions, vous