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— Un assassinat.

— Et comment appelez-vous celui qui a commis cet acte ?

— Un assassin.

— Je suis heureux que vous m’accordiez ces deux points, répliqua M. Honeythunder de son air le plus agressif ; je vous avoue franchement que je ne m’y attendais pas. »

Et de nouveau son regard se fixa sur M. Crisparkle.

« Soyez assez bon, reprit le Chanoine, pour m’expliquer ce que vous entendez dire. Cela me semble légèrement offensant.

— Je ne suis pas ici, monsieur, répliqua le philanthrope en élevant la voix presque jusqu’au rugissement, pour me laisser regarder de travers.

— Je n’ai pas envie de regarder personne de travers, dit le Chanoine très-tranquillement. Continuez votre explication, je vous prie.

— Meurtre ! » dit M. Honeythunder, plongé dans une sorte de rêverie, et les bras croisés comme s’il se croyait en ce moment juché sur la tribune philanthropique.

Il accompagna chaque mot d’un geste d’horreur.

« Sang versé !… Abel !… Caïn !… Je ne fais pas d’alliance avec Caïn… Je repousse en frissonnant une main souillée de sang. »

Les membres de la confrérie, dans une réunion publique, auraient alors sauté sur leur chaise et l’auraient applaudi après un si beau début oratoire.

M. Crisparkle se contenta de croiser simplement les jambes et dit avec douceur :

« Permettez-moi de ne pas vous interrompre. Vous ne faites que commencer.

— Les saints commandements disent : Pas de meurtre. Pas de meurtre, monsieur ! » répéta M. Honeythunder.

Manifestement, il soupçonnait à M. Crisparkle l’envie de répondre :

« Mais non ! les commandements disent : « Tu pourras commettre un petit meurtre et te tirer d’affaire après. »

Mais ce ne fut point ce que répondit le Chanoine.

Il murmura seulement :